Un entretien récent avec Dimitri Boylan, le PDG d’Avature, afin de définir une vision stratégique de l’acquisition des talents basée sur l’engagement et la prestation de services.
Q. L’acquisition des talents nécessite-t-elle une nouvelle vision ?
Dimitri : Je ne suis pas sûr qu’il existe une ancienne vision à remplacer. Il existe un vieil argument, toujours valable, qui est celui de déplacer l’agence dans l’entreprise et de réduire les frais, mais ceci n’est pas une vision, c’est plus un « objectif professionnel raisonnable ». Une vision doit inspirer les gens à se hisser à un niveau supérieur.
Lorsque nous avons introduit, il y a une dizaine d’années, un CRM dans le recrutement, nous avons dû livrer bataille pour instaurer au sein des équipes d’acquisition des talents (AT) des pratiques de marketing reconnues, car les entreprises estimaient que l’engagement et la redéfinition de l’expérience du candidat ne faisaient pas vraiment partie du recrutement. C’était alors seulement une idée, c’est désormais devenu une obligation, bien que ça ne soit toujours pas une vision stratégique.
Actuellement les RH se retrouvent au centre d’une seconde transformation numérique. Nous voyons nos clients aller bien au-delà du processus d’engagement initial du CRM, c’est à dire là où toutes les parties prenantes – candidats, recruteurs et responsables du recrutement – sont impliquées et fortement mobilisées dans un processus complet de recrutement, du premier contact avec le candidat à son premier jour de travail et au-delà. Ceci est le cœur d’une approche stratégique de l’acquisition des talents et implique une redéfinition du rôle de l’ATS traditionnel, d’un système d’enregistrement à une plate-forme pour l’engagement. Mais encore une fois, il ne s’agit pas une vision stratégique, mais d’une étape nécessaire.
Q. Pourquoi est-ce si difficile de définir une vision pour l’acquisition des talents ?
Dimitri : L’acquisition des talents fait partie des RH qui doivent, selon moi, avoir une vision claire avant que l’acquisition des talents ne puisse définir la leur. Les RH ont passé 15 ans à essayer de définir le libre-service pour les employés. Bien, mais ceci n’est pas stratégique. Être stratégique signifie avoir une incidence directe sur la compétitivité de l’entreprise. Alors que des services de base (tels que la paie et la comptabilisation du temps) sont nécessaires, ce sont les fonctions qui se concentrent sur le talent (recrutement et gestion des talents) qui sont vraiment stratégiques. Les PDG des grandes entreprises savent qu’ils sont à un cheveu d’un bouleversement numérique, et la façon d’éviter cela à 90% consiste à recruter et à retenir les bonnes personnes. Ainsi, il n’y a aucune confusion concernant ce que sont des RH stratégiques (et l’acquisition des talents).
Q. Si vous pouviez créer une vision de l’AT, quelle serait-elle ?
Dimitri : En fait, ce n’est pas notre travail de dire aux entreprises ce que devrait être leur vision de l’acquisition des talents. Mais je pense qu’elle devrait tourner autour de l’engagement et de la prestation de services. En mettant l’accent sur cela, les RH posent essentiellement la question suivante : comment pouvons-nous fournir des services stratégiques qui aient une incidence positive sur notre compétitivité ? Cet objectif les encouragera à donner à ceux qui sont impliqués dans le processus de recherche, d’attraction et de recrutement des talents, la bonne technologie pour collaborer et coopérer les uns avec les autres, pendant toute la durée du processus. Se concentrer sur la prestation de services présente de nombreux avantages concrets. Cela ne redéfinit pas seulement l’approche analytique du service, mais envoie le bon message à l’entreprise, établit les termes de l’engagement et met automatiquement en adéquation les objectifs de l’équipe de recrutement avec les stratégies de l’activité qu’elle sert.
Sur le plan de la technologie, mettre l’accent sur la prestation de services établit une nouvelle norme pour les plates-formes de recrutement et, rappelez-vous, personne n’a intérêt à batailler contre ses ATS. Lorsque votre équipe reconnait que les responsables du recrutement sont des clients, les systèmes qui gèrent la prestation de services deviennent des choix évidents. [Tweet this]
Ce niveau d’engagement et de collaboration est absolument nécessaire lorsque vous cherchez à améliorer les résultats en matière de talents. Recruter avec agilité, trouver plus rapidement le bon talent, créer des viviers de talents plus élaborés et maintenir un avantage concurrentiel seront le fruit d’une relation efficace entre les parties prenantes principales. Et l’on ne peut réellement dynamiser l’engagement qu’en se concentrant sur la prestation de services.
Q. Nous voyons des entreprises se concentrer de plus en plus sur l’expérience des candidats. Comment envisagez-vous l’intégration de cet élément dans la démarche d’engagement et de prestation de services ?
Dimitri : L’impact de la prestation de services sur l’expérience du candidat est énorme et peut considérablement changer les résultats. On a beaucoup dit que l’expérience des candidats était liée à leurs réponses aux offres d’emploi, ou à la vitesse à laquelle ils pouvaient postuler en ligne, mais ce n’est pas tout. Un moment essentiel pour les entreprises, c’est ce qui se produit plus en aval, lorsque le candidat passe par l’entretien, l’évaluation et le processus d’offre, parce qu’en réalité, vous voulez que le meilleur des talents accepte votre offre !
Nous avons l’habitude d’entendre beaucoup de clichés associés à l’expérience du candidat, tels que « trou noir », « aucun feedback », « délais de réponse longs », « entretiens médiocres », etc. Ils existent parce que le service présent n’est pas bien géré ou même activé. Du point de vue du candidat, si son expérience de sélection et d’entretien est moyenne, (peut-être que le responsable du recrutement n’a pas su établir le dialogue, qu’il a posé les mauvaises questions, qu’il n’a pas fourni de commentaire en retour ou qu’il est arrivé en retard), alors il peut être déçu et avoir le sentiment qu’on lui a menti. Jusqu’à l’entretien, il avait établi une bonne relation avec le recruteur, avait eu une bonne expérience en ce qui concerne son dépôt de candidature, puis soudainement, tout a changé. Désormais, peu importe que l’entreprise apprécie de plus en plus le candidat car, en fait, ce dernier apprécie de moins en moins l’entreprise. Puis le grand jour arrive, celui de l’offre, et le candidat répond, « Non, merci ». C’est à ce moment-là que l’entreprise commence à se demander ce qui n’a pas fonctionné. Sans gestion du service, vous ne pouvez pas savoir où et combien de fois le processus a échoué, et vous n’avez aucune façon de l’améliorer.
Il est possible de fournir une bonne expérience seulement si les relations entre les parties prenantes internes à l’entreprise sont productives, si elles collaborent et travaillent en harmonie. Et pour cela, il est nécessaire de gérer la prestation de services.
Q. Si l’engagement et la prestation de services sont la cible, que devraient mesurer les équipes d’acquisition des talents et pourquoi ?
Dimitri : Finalement, se concentrer sur l’engagement et la prestation de services améliorera votre capacité à prévoir et à anticiper. En gérant la prestation de services entre les intervenants, vous pouvez dresser un tableau complet et comprendre comment s’établit le dialogue, vous pouvez comparer avec les résultats d’exploitation et cerner ce qui ne fonctionne pas. Les RH peuvent, par exemple, montrer leurs différentes façons de travailler avec le responsable x, y et z, ainsi que les résultats qui y sont associés. Ils sont en mesure de comparer résultats et processus, partager la meilleure pratique et ajuster les pratiques internes pour répondre aux besoins différents de chaque responsable, pour ainsi obtenir, systématiquement, de bons résultats.
Lorsque les entreprises en arrivent là, elles s’éloignent de l’approche unique. En effet, elles peuvent travailler avec des responsables de trois, quatre, ou même cinq façons différentes et complexes, mais optimisées dans chaque domaine, ce que les responsables apprécient et en général, ils obtiennent de meilleurs résultats. À la fin, vous obtenez ce qu’obtiennent tous les services : la satisfaction du client. C’est le seul indicateur dans la gestion des services : le degré de satisfaction de votre client interne.
En outre, les rapports standards qui concernent, par exemple, le délai nécessaire pour pourvoir un poste et le coût par embauche, ne contribuent en fait pas à améliorer vos résultats. Ce sont des rapports conçus pour satisfaire les autres départements. Le coût par embauche est un rapport financier. Le temps nécessaire à pourvoir un poste ne dit rien du recrutement. Les deux sont des indicateurs macroéconomiques et vous indiquent seulement le degré de difficulté à recruter. [Tweet this] En 2008, pendant la crise, le délai nécessaire pour pourvoir un poste et le coût par embauche de toutes les entreprises ont baissé, depuis, la situation économique s’améliorant, ces mêmes taux ont augmenté.
J’ai noté que de nombreuses personnes dans le secteur avaient des difficultés à créer des rapports significatifs. Cela est dû au fait qu’elles devraient, avant tout, bien cerner les objectifs RH prioritaires. Lorsque vous reconnaissez que la prestation et la gestion de services sont le principal objectif, vous commencez à consulter les rapports qui vous aideront à gérer ce point. Par exemple, en premier lieu, celui qui vous indique quand et comment les candidats répondent, le niveau d’engagement du responsable du recrutement et sa réactivité… Il est très important de savoir qui est réactif, qui ne l’est pas et pourquoi.
Q. Plus tôt, au cours de l’interview, vous avez mentionné le fait que pour obtenir une AT stratégique, les entreprises doivent prolonger l’expérience candidat et l’engagement au-delà, de l’étape du recrutement, du premier jour de travail de l’employé et bien après. Comment les grandes entreprises s’y prennent-elles ?
Dimitri : Nous avons remarqué que nos clients faisaient beaucoup plus attention à la phase d’accueil qu’avant. Soyons honnêtes, ils ont passé un temps considérable, fait beaucoup d’efforts et dépensé une forte somme pour trouver le bon candidat, et potentiellement perdre quelqu’un à ce stade de la partie est désastreux. C’est non seulement coûteux sur le plan financier, mais cela a aussi un effet considérable sur votre marque et peut provoquer une onde de choc dans l’entreprise. Une AT stratégique ne s’arrête pas au processus d’offre ; elle entre aussi dans les processus d’accueil et la gestion des talents.
Je comprends pourquoi de nombreuses personnes voient le processus d’accueil comme un processus fastidieux au cœur du travail RH. C’est généralement un processus lourd en formalités administratives, axé sur la conformité. De plus, il se trouve à l’intersection de l’acquisition et de la gestion des talents, et peut facilement être interprété comme un processus de base plutôt que stratégique. Cependant, c’est définitivement un processus stratégique, l’accueil ayant lieu au cours d’une période délicate pour un candidat ; c’est un moment excitant, qui peut rendre nerveux et provoquer de nombreuses incertitudes. Et les premières expériences en tant qu’employé dans une entreprise peuvent avoir des répercussions sur le temps pendant lequel la nouvelle recrue y restera, sur ses impressions, la rapidité avec laquelle elle s’intègre, se sent à l’aise, etc. Il est donc important d’approcher l’accueil d’un point de vue stratégique. Dotée d’un processus bien structuré, une société peut lever les doutes, préserver l’enthousiasme initial, façonner de manière positive les perceptions organisationnelles des candidats et finalement les intégrer plus rapidement.
Nos clients reconnaissent incontestablement l’importance de l’expérience dès le premier contact, jusqu’au premier jour et au-delà – ce n’est pas une grande surprise, mais cela prend tout son sens en matière de stratégie. Il est évident que ce n’est pas facile à faire avec 100 000 employés, mais avec la bonne plate-forme, c’est tout à fait possible, nous le constatons de plus en plus.